mercredi 4 décembre 2013

"Ce qui se conçoit bien..." - Quand Einstein rejoint Boileau.




En lisant certains ouvrages français de management et, plus encore, de psychologie, l'envie me vient de paraphraser Boileau: "ce qui se conçoit mal s'énonce obscurément, et les mots pour le dire vous viennent péniblement."

Nous semblons croire, en France, que plus un texte semble abscons, plus son auteur doit être profond et intelligent. D'où une course à l'hermétisme, au jargon inutile, à l'abstraction fumeuse et à la syntaxe ampoulée, attisée par les égos. Il s'agit d'impressionner et de fasciner, plus que d'être utile et même de faire sens.

Certes, il m'arrive à l'inverse de m'agacer d'ouvrages américains pourtant très pragmatiques et concrets, parce qu'ils me semblent trop simplistes et pas assez nuancés. Apparemment, ils n'ont pas, eux, été "éduqués" à coups de dissertations thèse - antithèse - synthèse! Il s'agit de convaincre et d'être pratique, plus que d'être vrai ou exhaustif.

Deux conceptions différentes de l'auteur, et de l'autorité...


mercredi 27 novembre 2013

De l'illusion du choix...

Qui choisit quand "je choisis" ? Qu’est-ce qui en moi choisit quand je crois choisir ?

Pour illustrer la complexité de cette question, voici deux exemples simples tirés de ma pratique professionnelle.

En amont d’un possible accompagnement individuel, un certain nombre d’entreprises ont pour habitude de proposer au manager ou dirigeant « coaché » potentiel de rencontrer deux coachs qu’elles ont référencés au préalable, et de lui dire « choisis celui ou celle des deux avec qui tu aurais envie de travailler. »
Voilà un processus qui semble tout à fait rationnel et efficace. Sauf que…

Premier constat : tiens, lorsque je vois le « coaché » en deuxième (après l’autre coach), je suis choisi dans environ 2/3 des cas, tandis que lorsque je le vois en premier (avant mon confrère ou ma consœur), je ne suis choisi que dans 1/3 des cas environ.

Cela s’explique simplement : lorsque j’interviens en deuxième, je capitalise sur le travail déjà fait par mon confrère et néanmoins concurrent lors de sa rencontre avec le client et je peux donc aller plus loin ou plus profondément dans l’exploration de la problématique de mon interlocuteur. A l’inverse, quand je passe en premier, c’est mon confrère qui a la chance de pouvoir capitaliser sur mon travail.
Jusqu'à un certain point, c’est donc l’environnement et le processus mis en place qui choisit le coach, et non le client!

Deuxième constat : dans un certain nombre de cas, il m’est arrivé de m’être trouvé particulièrement pertinent et perspicace lors de tels entretiens préalables, et de ne pas être choisi – c’est très vexant ! Inversement, il m’est arrivé d’avoir eu l’impression de « patauger » lamentablement dans la problématique de mon client, et d’être choisi à l’issue de cet entretien initial.

En effet si, rationnellement, le client croit choisir le coach qui lui parait le plus compétent pour sa problématique, en réalité, il choisit aussi intuitivement et inconsciemment celui avec lequel il a le meilleur « fit » - c’est-à dire en fait, assez souvent, celui qui lui fait le moins peur et celui dont il se dit qu’il risque le moins de réussir à le déstabiliser ou à le « faire changer »!
D'une certaine manière, ce processus de choix du coach peut donc être, dans certains cas, une bonne manière de s’assurer que le coaching n’aura qu’un impact limité !

Dans ce domaine comme dans d’autres, l’explication des raisons du choix sera ainsi souvent un habillage rationnel a posteriori. La vraie décision aura été le fruit d’éléments contingents de l’environnement, autrement dit du hasard (comme ici l’ordre des rencontres avec les coachs), ainsi que de l’intelligence intuitive et émotionnelle de l’individu. Or l’intuition, si elle nous livre sa conclusion rapidement et sans effort, ne nous révèle en rien par quel cheminement et quels critères elle est passée…

Et dans tout cela, que reste t-il du libre arbitre?


vendredi 15 novembre 2013

On enseigne le mieux... ce qu'on a le plus besoin d'apprendre!

Cette affirmation en apparence paradoxale est en fait parfaitement logique!

Démonstration: une personne exceptionnellement douée pour un certain type de tâches voire dotée d'un véritable don (qu'il s'agisse de calcul mental, d'improvisation musicale ou de leadership), accomplira ces tâches de manière totalement intuitive.

Nous avons vu dans mon précédent "post" que la pensée intuitive est très rapide, automatique et sans effort... Mais si elle fournit un résultat (un chiffre, une mélodie, un geste, une répartie...), elle ne donne pas le chemin qu'elle a emprunté pour y arriver, qui reste non conscient!

En revanche, une personne peu douée pour ses mêmes tâches devra se concentrer pour parvenir à les réaliser, appeler la pensée rationnelle et consciente à la rescousse, et, lentement et avec effort, franchir un certain nombre d'étapes qu'elle aura eu au préalable besoin d'apprendre laborieusement.

Résultat: la personne exceptionnellement douée sera incapable d'expliquer à autrui comment elle s'y prend, là où la personne "besogneuse" sera tout à fait en mesure de le faire, et ce d'autant plus qu'elle a "besoin d'apprendre" et qu'elle est motivée.

Il y a donc quand même une justice. La pensée rationnelle et le travail ne peuvent pas tout, mais la pensée intuitive et le talent non plus! Il s'agit de développer et d'accorder les deux...


mardi 12 novembre 2013

Mieux intégrer pensée rationnelle et pensée intuitive

Dans un récent article, ainsi que dans un échange avec Sophie Péters ("le coin du coach" dans le Monde du 22 octobre), je définissais mon travail comme consistant souvent, chez des dirigeants formés par hypertrophie exclusive de la pensée rationnelle, à les amener à mieux apprivoiser, développer et utiliser leur pensée intuitive et leur intelligence émotionnelle.

La pensée intuitive est beaucoup plus rapide que notre pensée rationnelle et, contrairement à elle, fonctionne sans effort! Elle capitalise sur un grand nombre de souvenirs et expériences par association libre. Elle voit le plus souvent juste.. mais parfois se trompe totalement!  

Elle est également inconsciente, car si l'intuition nous fait spontanément part de ses conclusions face à une problématique donnée, elle ne nous donne pas accès au chemin qui l'y a conduit...

Pour mieux l'apprivoiser et l'utiliser à bon escient de manière puissante, le livre de Daniel Kahneman, Thinking, Fast and Slow (également disponible en français), est l'ouvrage de référence par excellence. Un psychologue devenu Prix Nobel d'économie, voilà déjà qui devrait résolument attirer notre
attention!

Si vous ne souhaitez pas donner la priorité à la lecture de ces 500 pages passionnantes, mais êtes néanmoins curieux d'en savoir un peu plus sur la nature de notre "système 1" (les processus inconscients de notre cerveau) et sur ses modes d'interaction avec notre "système 2" (les processus rationnels conscients), mon confrère et ami Robert Branche a proposé il y a quelques temps un excellent résumé de certains de ses enseignements clés ici.

"Pour être efficace, il nous faut être capable de tirer parti de la vitesse du Système 1… sans être trompé par ses jugements hâtifs, et souvent inexacts. Il nous faut aussi ne pas laisser le Système 2 vouloir contrôler ce qui ne peut pas l’être ou construire des raisonnements qui n’en sont pas."

En somme, la clé réside dans une meilleure compréhension de nos systèmes cognitifs, en évitant deux écueils:

- se priver de ressources précieuses, en utilisant la pensée rationnelle dans des contextes où la pensée intuitive est plus adaptée (par sa vitesse ou par sa meilleure prise en compte des dimensions émotionnelles et relationnelles), et vice-versa;

- la rationalisation, c'est-à-dire l'habillage rationnel a posteriori (et souvent réalisé inconsciemment!!) d'une décision en fait prise intuitivement.





dimanche 10 novembre 2013

"Happiness is love. Full stop."

Une étude (the Grant study) d'une durée de 75 ans portant sur un échantillon de 268 étudiants d'Harvard (en 1938), et dotée d'un budget total de 20 millions de dollars.
Un suivi orchestré par la crème des professeurs de Harvard, et en premier lieu par George Vaillant, psychiatre et professeur à Harvard Medical School.
Le thème: qu'est-ce qui favorise le plus (ou au contraire nuit le plus) à l'épanouissement humain et au bonheur?

Le principal résultat de cette étude marathon, portant sur des vies entières jusqu'à 90 ans passés: le bonheur et la longévité en bonne santé dépendent de l'amour reçu (ou donné?) et de la chaleur de nos relations avec nos proches et nos amis. Point final. Et cette corrélation est de plus en plus forte avec l'âge.

Et l'argent? et le travail? et le QI?  (bon OK, les sujets de l'étude ont tous fait Harvard!)
Le sport? La religion ou les opinions politiques?... Les blessures d'enfance?

"Happiness is love. Full stop." dit George Vaillant.

De quoi revisiter nos boussoles de vie, englués que nous pouvons être dans l'anxiété et l'agitation de nos vies professionnelles.

lundi 30 septembre 2013

« Je pense, donc (parfois) je m’égare. »


Ce sont pourtant deux ingénieurs qui vous parlent : l’être humain est essentiellement mû par l’irrationnel. Et si les directions d’entreprises commençaient à en tenir vraiment compte ?

(Article co-écrit avec Pierre Barny de Romanet)

Beaucoup des enjeux que les dirigeants rencontrent sont des enjeux humains. Or, un être humain ne rentrera jamais dans un tableau Excel.
C’est très heureux car c'est un sujet libre et non un objet, dit le philosophe. Contrairement à un tube en acier, à un immeuble en béton ou même à un système complexe comme une automobile, son comportement n’est pas entièrement déterminé par les lois de la physique et a la fâcheuse habitude de ne pas pouvoir se mettre en équations, quelle que soit la puissance du calculateur.
C’est bien malheureux pense en lui-même le dirigeant, à qui l’on demande des comptes passés à la moulinette des indicateurs, des «KPIs», des «milestones» et autres approches chiffrées, issues de programmes sophistiqués.
Ah, quel casse-tête… casse-tête de l’organisation, de l’adaptation des ressources aux challenges, de devoir donner une vision claire au cœur d’un environnement aussi lisible qu’une soupe de pois cassés. Et l’humain dans tout cela, avec ses éléments imprévisibles, ses cadeaux et ses chausse-trappes, aussi… quel problème.

Problèmes ou dilemmes ?
« Problème, vous avez dit, problème… Mais alors, voilà LA SOLUTION » dit le consultant en méthodes: les techniques de résolution de problème, voyons. Soyons logiques et cohérents, à chaque problème sa technique d’analyse, qui va converger vers une solution !
Euh, oui, certes, mais hélas, beaucoup des enjeux qui se présentent aux dirigeants ressemblent plus à des dilemmes qu’à des problèmes. Dilemme de devoir arbitrer entre investir des ressources dans des succès à court terme ou bien dans des facteurs qui garantiront la compétitivité de l’entreprise à long terme. Dilemme de devoir trancher entre deux bons candidats pour un seul poste, au risque de perdre un précieux talent. Dilemme de devoir sacrifier un projet auquel les personnes sont attachées pour faire plaisir au « board »  qui n’en veut pas… Autant de situations où les techniques de résolution de problèmes n’apportent guère de soutien, car les éléments du paysage sont déjà là et chaque solution a ses failles. En présence d’un dilemme, il faut trancher et décider, avec les moyens du bord.
Ces moyens doivent-il se limiter à la rationalité cartésienne du célèbre « je pense, donc je suis » ?
Ou bien faut-il se baser aussi sur ses préférences, version  «je like, donc j’achète » ou bien « j’aime, donc je vis », bien en phase avec le monde 2.0?
Ou encore plutôt se référer à son intuition, en mode « je sens, donc j’agis », en appelant aussi ses valeurs et son courage en renfort ?

Appeler l’intelligence intuitive au secours de la pensée rationnelle 
 
L’être humain est essentiellement mû par l’irrationnel - son instinct, son intuition, ses émotions et ses sentiments, ses envies et ses peurs. Et le beau discours rationnel dont il se sert pour justifier ses choix et ses comportements est généralement un habillage, une construction a posteriori.
Or, nous constatons pourtant que les dirigeants s’échinent à vouloir utiliser des processus de même nature pour fabriquer des tubes en acier et pour susciter au sein de leurs équipes la motivation, la confiance, l’envie d’innover ou encore le plaisir au travail. Et de tenter de susciter la confiance à grands renforts de plans d’actions, de livrables et de «KPI», dans une belle logique tayloriste.
Pourquoi donc cela ?

Sortir du clonage dans la fabrique des élites
La formation de nos dirigeants est certes la première responsable de cet état de fait. Qu’ils soient ingénieurs, énarques, issus d’écoles de commerce ou de Sciences-Po, ils ont tous vécu les mêmes modalités de formation par développement quasi exclusif de l’analyse et de la pensée. On fait du « problem solving » au lycée, en école d’ingénieurs et en Business Schools, d’où une tendance à requalifier des dilemmes en problèmes, par le déni d’un des termes. « Celui qui n’a qu’un marteau voit des clous partout. » Au prix de se couper d’autres ressources qu’ils ont mais n’utilisent pas ou peu, atrophiées car ignorées.
Car donner confiance, susciter l’adhésion ou faciliter les approches innovantes, cela relève-t-il du « problem solving » ? Notre expérience montre plutôt que les processus efficaces sur ce type de terrains sont non pas linéaires et centrés sur la tâche, mais itératifs, centrés sur la relation et le partage…
Comme le rappelle Robert Branche (1), le management est l’art de la confrontation et de la confiance. La philosophie et l’histoire, et non les mathématiques, sont les disciplines majeures qui permettent d’apprendre l’art de l’interprétation et celui de la confrontation, car mieux adaptées à appréhender incertitude, ambigüités, contradictions, paradoxes.
Le monde en émergence demande de façon urgente un rééquilibrage des profils des dirigeants et de leurs modes de représentations des situations. Les leaders de demain devront s’ouvrir à ces autres ressources, sauf à vite atteindre leur plafond de verre.
Et cet article est pourtant co-écrit par un Polytechnicien et un Centralien !


mercredi 24 juillet 2013

Start-up et management: lâcher-prise et "scalabilité"


Dans un excellent article des Echos coécrit par notre partenaire François Potier, il est fait référence à la mode actuelle au sein des grands groupes de vouloir prétendument (re)créer une "culture start-up" au sein de l'entreprise, les auteurs synthétisant ensuite ce que cela signifierait concrètement sous forme de cinq principes managériaux.

Si je confronte cet article, basé sur l'étude de très grands succès (de Google à Vente-Privee.com) à mon expérience d'accompagnement de quelques start-ups françaises plus modestes, je me rends compte que parmi celles-ci, le premier principe évoqué (le lâcher-prise, la responsabilisation de chacun) y était en fait souvent assez peu développé - le fondateur/CEO voulant souvent garder le contrôle sur tout!

En fait, c'est la croissance de l'entreprise et le besoin de "scalabilité" (le cinquième principe, la capacité à grandir rapidement tout en gardant le même niveau d'exigence et d'efficacité) qui fait émerger un problème de manière forte à un moment donné de la vie de la start-up. En effet, si le patron peut facilement tout contrôler dans une start-up de 10 personnes, il ne pourra plus le faire dans une PME de 200 personnes (sauf peut-être s'il s'appelle Steve Jobs!). Partant de là, deux voies s'offrent à lui:

- oser la confiance, le lâcher-prise, l'autonomisation et la responsabilisation de chacun;
- tenter de concilier maintien d'un contrôle fort et scalabilité, ce qui engendrera généralement moult procédures et reportings, au risque de démotiver les meilleurs et les fondateurs en bureaucratisant la société.

La "scalabilité" est certes rendue possible et grandement facilitée par la technologie et le SI... mais aussi par le partage d'une vision et par la responsabilisation de chacun. Et les meilleures entreprises de croissance ont bien recours aux deux à la fois, en combinant ainsi à fond alignement et "empowerment".

mercredi 1 mai 2013

Samba, coaching et management de la performance


Je rentre tout juste de Sao Paolo où vient de se dérouler la conférence annuelle de The Global Coaching Partnership (TGCP), réseau de coachs de dirigeants fondé en 1998 dont Acolis a l’honneur d’être depuis un an le partenaire français. Pendant trois jours, hébergés par notre partenaire brésilien CareerCenter, j’étais l’un des quatorze coachs représentant les dix sociétés partenaires, autant de pays et plus de 120 coachs de dirigeants au total qui ont partagé leurs bonnes pratiques, rencontré ensemble des panels de clients, et échangé sur le présent et l’avenir du métier, les tendances et la conjoncture.

Et là, surprise ! Car au-delà des différences culturelles souvent mises en avant en pareil contexte, les jeux de rôles, études de cas et autres séances de supervision croisées ont permis de révéler une véritable proximité de regard et de pratiques, de l’Allemagne au Canada et de l’Afrique du Sud à Singapour. De plus, les constats ont convergé sur certaines tendances de fond du coaching:

Ø  Le marché est partout marqué par la confusion entre de nombreuses conceptions du coaching individuel, en raison de l’existence d’offres très différentes derrière ce même mot de « coaching » (life coachs, mentors et consultants l’utilisant parfois dans des sens sensiblement différents que celui que nous lui donnons) ;

Ø  Le métier est également menacé par la « commoditization » (ou nivellement par le bas si on tente d’éviter le franglais), des centaines de « coachs » de formations et profils fort différents et très inégaux arrivant chaque année sur le marché dans chaque pays;

Ø  Parmi les bonnes nouvelles, la reconnaissance au sein des entreprises des bénéfices et de l’impact d’un coaching individuel est dans l’ensemble perçue en nette augmentation, comme le montre un récent rapport de l’ICF, tout comme l’utilisation globale et la réputation du coaching au sein des organisations;

Ø  Au-delà du coaching individuel, le développement du coaching d’équipes et de groupes constitue une tendance forte dans la plupart des pays.

Pour faire face aux deux premiers points ci-dessus, l’heure est à l’utilisation d’outils de « performance management » chez nos clients pour évaluer l’impact des coachings, et à des processus d’« assurance qualité » du côté des cabinets de coaching et réseaux de coachs, tel que le « peer auditing » mis en place entre les membres de TGCP. Processus et assurance qualité, voilà des mots bien « cerveau gauche » qu’on n’associe pas nécessairement au coaching !

Jusqu'où objectiver le subjectif ? Les DRH et les coachs eux-mêmes doivent aujourd’hui louvoyer entre deux écueils opposés:

Ø  La pure intersubjectivité, le coaching vécu comme un espace de rencontre entre deux sujets, sans plus de cadre que le code de déontologie du coach, le nombre d’heures prévu au contrat, le lieu et le format des séances et des réunions tripartites éventuelles. A tort ou à raison, nombre d’entreprises n’ont pas ou plus aujourd’hui suffisamment confiance dans ce mode opératoire, quelles que soient les compétences et le « track record » du coach.

Ø  L’excès de processus, de cadrage et d’outillage, qui conduit à l’objectivation du coaché (au sens littéral : sa « chosification », la réduction de l’humain au facteur de production) et peut surtout empêcher qu’il se passe quoi que ce soit d’essentiel et de profond dans la relation entre le coach et le dirigeant accompagné!

En se conformant à la culture « process » de certaines entreprises, le coaching risque surtout de s’y dissoudre, et de perdre sa puissance de changement à force de mimétisme…

Comme dans la samba, l'essentiel est au-delà de la technique.


Notre prof de samba brésilienne est cachée parmi ces coachs issus des cinq continents. Saurez-vous la retrouver ?


lundi 29 avril 2013

Accepter sa vulnérabilité, condition du développement personnel et professionnel de chacun


"[Montrer sa] vulnérabilité n'est pas une faiblesse, mais la mesure la plus précise que nous ayons du courage. (...) La vulnérabilité est le berceau de l'innovation, de la créativité et du changement."

Un "talk" remarquable de Brené Brown, auteur de "The Power of Vulnerability" et "The Gift of Imperfection."


http://www.ted.com/talks/brene_brown_listening_to_shame.html

mercredi 13 février 2013

D’ingénieur à dirigeant : le grand écart?


Parce que la vie n’est pas un problème de maths…
Plaidoyer pour l’ingénieur 2.0    

La France a une longue tradition de dirigeants ingénieurs, issus en particulier de Polytechnique, Centrale ou l’Ecole des Mines. Pourtant, et bien qu'ingénieur de formation moi-même, j’ai pu constater dans ma pratique d’accompagnement de dirigeants que cette évolution professionnelle n’allait pas nécessairement de soi et que nombre d’entre eux achoppaient, une fois devenus dirigeants, sur les mêmes difficultés récurrentes.

L’ingénieur devenu manager ou a fortiori dirigeant est en effet confronté à des règles du jeu très différentes de celles auxquelles il a été habitué pendant toutes ses études, voire pendant la première partie de sa vie professionnelle:

1.   C’est à lui qu’il incombe de formuler les questions et les objectifs, les problèmes ne sont plus posés et soumis par autrui – il s’agit de passer de la réaction à l’action ;

2.     Il existe plusieurs façons de formuler chaque enjeu, situation ou problème, toutes interprétatives, incomplètes et partielles ;

3.   L’énoncé de chaque problème est baigné d’incertitude car certaines données sont manquantes, incertaines, évolutives voire ignorées;

4.    Ce problème n’admet pas une solution unique et parfaite mais plusieurs solutions imparfaites, aux conséquences seulement partiellement prévisibles et impliquant toutes une prise de risque ;

5.   Le problème comporte en outre des enjeux irrationnels de type relationnels, psychologiques et émotionnels, et sa résolution nécessite de faire appel aussi à l’intuition ;

6.     Le problème ne peut être résolu seul : la meilleure solution est généralement le résultat d’un travail d’équipe, notion assez étrangère au système scolaire français ;

7.      Il est malgré tout nécessaire de décider et de choisir, la non décision étant souvent la plus mauvaise des décisions ;

8.   Enfin, au-delà de la décision ou de la définition d’une solution, il est nécessaire pour le résoudre de passer à l’acte, d’expérimenter et d’accepter de faire des erreurs, d’explorer différentes manières de mettre en œuvre et d’ajuster au fur et à mesure.

Selon les personnes, c’est tel ou tel des huit points ci-dessus qui sera au cœur d’une angoisse, d’un angle mort ou d’un blocage… ou plus simplement une compétence à acquérir.
Souvent, ceux qui rencontrent les plus grandes difficultés dans cette transition et ce changement de règles du jeu sont ceux-là mêmes qui ont le plus brillamment réussi leurs études!

Une fois ce constat posé, il y a du pain sur la planche pour les Ecoles d’ingénieurs elles-mêmes, et en particulier pour les plus cotées ! Mais il y en a également pour les DRH des entreprises françaises, et ceci d’autant plus que ce qui s’observe sur les individus peut, au-delà d’une certaine masse critique, se révéler une caractéristique de la culture de l’entreprise :

-       Une entreprise dont la culture achoppera sur la règle 1 souffrira en premier lieu d’un déficit de vision, avec ce que cela peut impliquer en termes de manque de cohérence et de performance sur le long terme, ainsi que de manque d’engagement des collaborateurs ;

-        Celle qui sera mal à l’aise avec les règles 2 à 4 risquera de se révéler fort peu adaptée à la gestion de la complexité et des transformations accélérées et permanentes de notre siècle ;

-         L’ignorance de la règle 5 pourra elle notamment entraîner plus de souffrance que de plaisir au travail ainsi qu’un déficit de créativité, celle de la règle 6, des problèmes d’alignement stratégique et d’engagement, celle des règles 7 et 8,  paralysie et entropie…


Les jeunes ingénieurs eux-mêmes semblent plaider pour une réhabilitation de l’intuition dans leur cursus de formation(1). Plus généralement, l’enjeu central est de développer l’intelligence intuitive et la créativité, au-delà de l’intelligence rationnelle, pour mieux appréhender les situations complexes, apprivoiser l’incertitude et la prise de risque ainsi que les enjeux relationnels et « politiques ».

Pour le dire autrement et de manière symbolique, il s’agit de rééquilibrer nos deux hémisphères cérébraux en renforçant le « cerveau droit » pour éviter la toute-puissance du « cerveau gauche ».

A une époque où certaines entreprises disent souhaiter recruter à l’avenir davantage de profils issus des filières « lettres et sciences humaines » pour leur capacité à « sortir du cadre » et à coopérer (2), il est sans doute de l’intérêt même des ingénieurs et des écoles d’ingénieurs de repenser leur bagage culturel et de l’ouvrir à d’autres influences.
                                                                                                              


(2) http://www.lemonde.fr/enseignement-superieur/article/2012/09/25/les-litteraires-se-convertissent-a-l-entreprise_1762190_1473692.html