mercredi 27 novembre 2013

De l'illusion du choix...

Qui choisit quand "je choisis" ? Qu’est-ce qui en moi choisit quand je crois choisir ?

Pour illustrer la complexité de cette question, voici deux exemples simples tirés de ma pratique professionnelle.

En amont d’un possible accompagnement individuel, un certain nombre d’entreprises ont pour habitude de proposer au manager ou dirigeant « coaché » potentiel de rencontrer deux coachs qu’elles ont référencés au préalable, et de lui dire « choisis celui ou celle des deux avec qui tu aurais envie de travailler. »
Voilà un processus qui semble tout à fait rationnel et efficace. Sauf que…

Premier constat : tiens, lorsque je vois le « coaché » en deuxième (après l’autre coach), je suis choisi dans environ 2/3 des cas, tandis que lorsque je le vois en premier (avant mon confrère ou ma consœur), je ne suis choisi que dans 1/3 des cas environ.

Cela s’explique simplement : lorsque j’interviens en deuxième, je capitalise sur le travail déjà fait par mon confrère et néanmoins concurrent lors de sa rencontre avec le client et je peux donc aller plus loin ou plus profondément dans l’exploration de la problématique de mon interlocuteur. A l’inverse, quand je passe en premier, c’est mon confrère qui a la chance de pouvoir capitaliser sur mon travail.
Jusqu'à un certain point, c’est donc l’environnement et le processus mis en place qui choisit le coach, et non le client!

Deuxième constat : dans un certain nombre de cas, il m’est arrivé de m’être trouvé particulièrement pertinent et perspicace lors de tels entretiens préalables, et de ne pas être choisi – c’est très vexant ! Inversement, il m’est arrivé d’avoir eu l’impression de « patauger » lamentablement dans la problématique de mon client, et d’être choisi à l’issue de cet entretien initial.

En effet si, rationnellement, le client croit choisir le coach qui lui parait le plus compétent pour sa problématique, en réalité, il choisit aussi intuitivement et inconsciemment celui avec lequel il a le meilleur « fit » - c’est-à dire en fait, assez souvent, celui qui lui fait le moins peur et celui dont il se dit qu’il risque le moins de réussir à le déstabiliser ou à le « faire changer »!
D'une certaine manière, ce processus de choix du coach peut donc être, dans certains cas, une bonne manière de s’assurer que le coaching n’aura qu’un impact limité !

Dans ce domaine comme dans d’autres, l’explication des raisons du choix sera ainsi souvent un habillage rationnel a posteriori. La vraie décision aura été le fruit d’éléments contingents de l’environnement, autrement dit du hasard (comme ici l’ordre des rencontres avec les coachs), ainsi que de l’intelligence intuitive et émotionnelle de l’individu. Or l’intuition, si elle nous livre sa conclusion rapidement et sans effort, ne nous révèle en rien par quel cheminement et quels critères elle est passée…

Et dans tout cela, que reste t-il du libre arbitre?


vendredi 15 novembre 2013

On enseigne le mieux... ce qu'on a le plus besoin d'apprendre!

Cette affirmation en apparence paradoxale est en fait parfaitement logique!

Démonstration: une personne exceptionnellement douée pour un certain type de tâches voire dotée d'un véritable don (qu'il s'agisse de calcul mental, d'improvisation musicale ou de leadership), accomplira ces tâches de manière totalement intuitive.

Nous avons vu dans mon précédent "post" que la pensée intuitive est très rapide, automatique et sans effort... Mais si elle fournit un résultat (un chiffre, une mélodie, un geste, une répartie...), elle ne donne pas le chemin qu'elle a emprunté pour y arriver, qui reste non conscient!

En revanche, une personne peu douée pour ses mêmes tâches devra se concentrer pour parvenir à les réaliser, appeler la pensée rationnelle et consciente à la rescousse, et, lentement et avec effort, franchir un certain nombre d'étapes qu'elle aura eu au préalable besoin d'apprendre laborieusement.

Résultat: la personne exceptionnellement douée sera incapable d'expliquer à autrui comment elle s'y prend, là où la personne "besogneuse" sera tout à fait en mesure de le faire, et ce d'autant plus qu'elle a "besoin d'apprendre" et qu'elle est motivée.

Il y a donc quand même une justice. La pensée rationnelle et le travail ne peuvent pas tout, mais la pensée intuitive et le talent non plus! Il s'agit de développer et d'accorder les deux...


mardi 12 novembre 2013

Mieux intégrer pensée rationnelle et pensée intuitive

Dans un récent article, ainsi que dans un échange avec Sophie Péters ("le coin du coach" dans le Monde du 22 octobre), je définissais mon travail comme consistant souvent, chez des dirigeants formés par hypertrophie exclusive de la pensée rationnelle, à les amener à mieux apprivoiser, développer et utiliser leur pensée intuitive et leur intelligence émotionnelle.

La pensée intuitive est beaucoup plus rapide que notre pensée rationnelle et, contrairement à elle, fonctionne sans effort! Elle capitalise sur un grand nombre de souvenirs et expériences par association libre. Elle voit le plus souvent juste.. mais parfois se trompe totalement!  

Elle est également inconsciente, car si l'intuition nous fait spontanément part de ses conclusions face à une problématique donnée, elle ne nous donne pas accès au chemin qui l'y a conduit...

Pour mieux l'apprivoiser et l'utiliser à bon escient de manière puissante, le livre de Daniel Kahneman, Thinking, Fast and Slow (également disponible en français), est l'ouvrage de référence par excellence. Un psychologue devenu Prix Nobel d'économie, voilà déjà qui devrait résolument attirer notre
attention!

Si vous ne souhaitez pas donner la priorité à la lecture de ces 500 pages passionnantes, mais êtes néanmoins curieux d'en savoir un peu plus sur la nature de notre "système 1" (les processus inconscients de notre cerveau) et sur ses modes d'interaction avec notre "système 2" (les processus rationnels conscients), mon confrère et ami Robert Branche a proposé il y a quelques temps un excellent résumé de certains de ses enseignements clés ici.

"Pour être efficace, il nous faut être capable de tirer parti de la vitesse du Système 1… sans être trompé par ses jugements hâtifs, et souvent inexacts. Il nous faut aussi ne pas laisser le Système 2 vouloir contrôler ce qui ne peut pas l’être ou construire des raisonnements qui n’en sont pas."

En somme, la clé réside dans une meilleure compréhension de nos systèmes cognitifs, en évitant deux écueils:

- se priver de ressources précieuses, en utilisant la pensée rationnelle dans des contextes où la pensée intuitive est plus adaptée (par sa vitesse ou par sa meilleure prise en compte des dimensions émotionnelles et relationnelles), et vice-versa;

- la rationalisation, c'est-à-dire l'habillage rationnel a posteriori (et souvent réalisé inconsciemment!!) d'une décision en fait prise intuitivement.





dimanche 10 novembre 2013

"Happiness is love. Full stop."

Une étude (the Grant study) d'une durée de 75 ans portant sur un échantillon de 268 étudiants d'Harvard (en 1938), et dotée d'un budget total de 20 millions de dollars.
Un suivi orchestré par la crème des professeurs de Harvard, et en premier lieu par George Vaillant, psychiatre et professeur à Harvard Medical School.
Le thème: qu'est-ce qui favorise le plus (ou au contraire nuit le plus) à l'épanouissement humain et au bonheur?

Le principal résultat de cette étude marathon, portant sur des vies entières jusqu'à 90 ans passés: le bonheur et la longévité en bonne santé dépendent de l'amour reçu (ou donné?) et de la chaleur de nos relations avec nos proches et nos amis. Point final. Et cette corrélation est de plus en plus forte avec l'âge.

Et l'argent? et le travail? et le QI?  (bon OK, les sujets de l'étude ont tous fait Harvard!)
Le sport? La religion ou les opinions politiques?... Les blessures d'enfance?

"Happiness is love. Full stop." dit George Vaillant.

De quoi revisiter nos boussoles de vie, englués que nous pouvons être dans l'anxiété et l'agitation de nos vies professionnelles.