D’où vient ce penchant français persistant pour l’homme providentiel, en politique et aussi parfois dans le monde de l’entreprise ? Comment en sortir pour former des citoyens et des professionnels plus adultes et plus coopératifs ?
Après
une première partie un peu « philosophique » sur l’universelle peur de la liberté dont j’ai
parlé ici, le modèle élaboré par le psychologue Geert Hofstede sur les
dimensions des cultures nationales est utile pour identifier deux autres
facteurs qui nourrissent ce penchant français pour la recherche d’un homme (ou
d’une femme) providentielle, lorsque les conditions sont difficiles et que la
crise ou le danger nous guettent: notre
aversion nationale pour l’incertitude, et la distance hiérarchique élevée dans
nos organisations.
Le
modèle de Hofstede : l’aversion pour l’incertitude…
Le
modèle de Hofstede, qui vise à faciliter la compréhension interculturelle (et
par ailleurs a ses limites comme tout modèle), définit une culture nationale
sur la base de six paramètres. Parmi ceux-ci, la distance hiérarchique (power distance) et l’aversion pour
l’incertitude (uncertainty avoidance).
L’outil
permet de comparer les « scores » de dizaines de pays, chaque
paramètre étant noté de 0 à 100 environ.
Plus
l’aversion pour l’incertitude
est élevée, plus (ça c’est moi qui le dit) l’angoisse va être forte lorsque
cette incertitude est importante. Or aujourd’hui, de plus en plus dans notre
monde toujours plus complexe, l’incertitude est partout, tout le temps… Et nous
avons vu qu’une angoisse élevée augmente notre propension à nous décharger de notre
liberté et de notre responsabilité sur un homme providentiel.
Voici
donc quelques « scores » nationaux pour ce paramètre selon les études
de Hofstede : UK 35, Chine 40, USA 46, Allemagne 65, France 86, Japon 92.
Aversion pour l’incertitude très élevée et angoisse très forte en France donc, il suffit de regarder le journal de 20h n’importe quel soir au cas où vous en douteriez. Au pays de Descartes, la « dynamique de chaos » de notre monde actuel évoquée par Jacques Attali passe mal. Car l’apologie de la liberté individuelle conduit inévitablement à celle de la précarité.
… et
la distance hiérarchique
Plus
la distance hiérarchique est
élevée, plus les membres les moins puissants d’un pays ou d’une
organisation s’attendent à ce que le pouvoir soit distribué de manière inégale
(et l’acceptent). Ce qui est intéressant, dans cette définition, c’est qu’elle
fait bien ressortir que la distance hiérarchique est la responsabilité de tous,
c’est un jeu que l’on accepte de jouer tous ensemble du haut en bas de la
pyramide ou de l’échelle sociale.
Quelques
« scores » pour la distance hiérarchique : UK 35, Allemagne 35,
USA 40, France 68 (quasi record d’Europe), Chine 80.
Ainsi,
malgré la démocratie, nous sommes encore fondamentalement en France dans une
relation parent-enfant vis à vis de l’autorité, qu’il s’agisse du professeur,
du PDG ou du Président de la République.
On
peut y voir un lien avec notre pessimisme national, notre manque de confiance
en l’avenir. Comment être optimiste dans un monde incertain, très changeant
voire chaotique lorsqu’on est convaincu que les décisions et les solutions ne
dépendent pas de chacun de nous, mais uniquement du chef, fantasmé et honni à
la fois ? Lorsque chacun croit être impuissant et pense ne pas avoir en
soi-même les ressources pour influer sur son destin individuel et
collectif ?
Tout
juste la démocratie et la montée de l’individualisme ont-elles renforcé la dose
de rébellion dans cette relation de dépendance.
La
bonne vieille pyramide hiérarchique semble avoir encore de beaux jours devant
elle dans un des pays les plus centralisés du monde… alors même que plus un
environnement est complexe, moins la centralisation des décisions est efficace.
So what ?
Tout
n’est pas désespéré pour autant.
« Un arbre qui tombe fait plus de bruit qu’une forêt qui pousse. » (Proverbe indien)
La liberté est source d’incertitude et d'angoisse mais aussi d’invention, d’enthousiasmes et d’un supplément d’âme, pour peu qu’on veuille oser la confiance, en soi et dans les autres.
« Un arbre qui tombe fait plus de bruit qu’une forêt qui pousse. » (Proverbe indien)
La liberté est source d’incertitude et d'angoisse mais aussi d’invention, d’enthousiasmes et d’un supplément d’âme, pour peu qu’on veuille oser la confiance, en soi et dans les autres.
Des
ilots de coopération se multiplient au sein de certains acteurs de l’économie. Des
réseaux se créent. De nouvelles identités professionnelles, individuelles et
collectives, émergent et se développent, où pouvoir et responsabilité sont
décentralisés et partagés.
A
bientôt pour quelques pistes d’action, dans l'entreprise et dans la société...
(à suivre…)
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